David Vandermeulen, avec Fritz Haber[1], a proposé une approche singulièrement originale de la première guerre mondiale dans le domaine de la bande dessinée. L'analyse que je propose de ce travail vise justement, dans une perspective socio-sémiotique, à montrer comment la bande dessinée, avec ses moyens propres, parvient à construire le récit de ces positionnements identitaires et politiques : le dispositif (qui convoque volontiers le procédé des cartons des films muets de l'époque et de longues citations de philosophes notamment), les modalités de la mise en scène même de la bande dessinée, les moyens graphiques utilisés (un lavis à la javel qui fait en quelque sorte « fondre » les images afin de les flouter dans des teintes sépia, ce qu'il nous a expliqué l'auteur lors d'un entretien), tout conspire à élaborer un envers de la guerre des tranchées (pour reprendre l'expression de J. Tardi[2]) sensible d'abord aux causes de la guerre. Des causes qui mêlent inextricablement des fils dont l'un n'est autre que celui de la science. Une science, des hommes de science qui, dès lors, ne sont plus neutres ni victimes, mais acteurs de la guerre par leurs choix et leurs décisions, sur les plans éthiques et politiques.